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La vanille de Madagascar, star du Michelin et impératrice des épices

Des ateliers de Pierre Hermé et de Philippe Conticini, jusqu’aux cuisines d’Alain Ducasse, de Pierre Gagnaire, de Georges Blanc, d’Anne-Sophie Pic… la vanille de Madagascar fréquente depuis des décennies les sommités des étoilés au Michelin, en fidèle alliée des amateurs de grandes saveurs et d’excellence culinaire.

Développé au fil d’années de patience et de savoir-faire, le profil aromatique de notre « vanille terroir » a été naturellement perfectionné pas à pas, telle une toile de Michel-Ange, par des générations d’agriculteurs malgaches. L’exploit herculéen de ces derniers ont hissé la vanille de Madagascar au premier rang mondial, en termes de vente. Surnommée à juste titre « l’impératrice des épices », elle se vendrait à 8 gousses sur 10 et serait l’une des plus chères au monde au même titre que le safran d’Iran.

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Sa subtile opulence aromatique lui a permis de se retrouver partout sur les plus grandes tables du monde, autant dans les sucrées que dans les salées. Conquérant le cœur des fins gourmets et des artistes culinaires, l’exotique vanille bourbon de Madagascar (Vanilla planifolia) domine la scène gastronomique mondiale. « La vanille a déjà sa grande place dans la haute gastronomie mondiale. Quel restaurant n’utilise pas ce produit ? », une évidence évoquée par l’étoile locale, le Chef Lalaina Ravelomanana du Marais Restaurant (Antananarivo).

A la recherche de saveurs inédites, Pierre Gagnaire infuse même ses feuilles. Philippe Conticini quant à lui, l’utilise dans son très gourmand et très vanillé entremets : « Grand cru vanille », tandis que Pierre Hermé la sublime dans un de ses incontournables macarons « Infiniment vanille de Madagascar », une ode à l’excellence du terroir malgache.

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Symbole de luxe et de prestige, on retrouve également la vanille de Madagascar dans les recettes des desserts les plus chers au monde, comme les fraises du célèbre Arnaud’s restaurant (États-Unis). Avec quelques fraises agrémentées de crème fouettée à la vanille de Madagascar et d’un diamant rose de 4,7 carats, le fameux dessert vaut la bagatelle de 1,4 millions de dollars !

Les grands chefs apprécient notamment le côté gras, charnu et bien caramélisé de notre vanille. Patrice Noël, Chef des restaurants du groupe Melia & INNSIDE au Luxembourg, l’utilise en condiment dans ses desserts mais aussi dans ses plats de poisson avec lesquels elle se marie très bien. « Vous avez un terroir extraordinaire, peut-être grâce au soleil », estime le chef cuisinier.

Plus belle encore, la vanille pomponne (Vanilla pompona) de Madagascar éblouit par sa rareté (0,001% de la production nationale) et son puissant arôme se dégageant dès le toucher. Après avoir essayé de la vanille de presque toutes les origines connues, « la vanille pomponne de Madagascar est exceptionnelle ! », s’extasie Nadine Gaillard, Cheffe pâtissière du restaurant La Truffe à Aups (France). « J’ai les mains pleines d’arômes quand je la manipule, une qualité rare que les autres n’ont pas », raconte-t-elle.

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La Cheffe Nadine Gaillard utilise la vanille pomponne de Madagascar dans un de ses entremets phares. © La Truffe

D’après cette dernière, l’on peut facilement tirer 1,5 g de graines avec une demi-gousse de cette vanille insolite. « On dirait vraiment du caviar noir sucré », dit la Cheffe. De taille impressionnante en effet, certains experts la surnomment même « vanille banane » ou « vanille fraise » à cause de ses graines craquant sous les dents lorsqu’on les ajoute à une préparation.

Loin d’être totalement exploré, le terroir de Madagascar réserve encore son lot de surprises et d’excellences …

Le glossaire du gastronome-guillaume-gomez
© EDBM

 

L’interview du Chef Guillaume Gomez, Meilleur Ouvrier de France et Ambassadeur de France pour la gastronomie

« La gambas bio de Madagascar, la meilleure au monde »

Pour un pays, la gastronomie tient lieu de patrimoine culturel et fait partie intégrante de son identité. En honneur à sa valeur, elle doit être sublimée par les produits les plus rares au monde. Pour dénicher ces produits d’exception, les fins gastronomes et les plus grands chefs du monde font parfois des milliers de kilomètres, pour choisir les meilleurs terroirs, tel celui de Madagascar.

En tant que métier de passionné, la grande cuisine s’accompagne obligatoirement de techniques et de soucis du détail, poussés parfois à l’extrême. Quelques rares personnes dans le monde, des « monstres » de technicité et de savoir-faire, en sont capables et sont titrées de prestigieuses distinctions, à l’échelle de leurs pays ou même du monde, tel Paul Bocuse, Joël Robuchon, Pierre Gagnaire, Philippe Etchebest, …

Guillaume Gomez, le plus jeune à avoir obtenu le prestigieux titre de Meilleur Ouvrier de France (MOF) à 25 ans — un titre honorifique aussi convoité que les étoiles Michelin — fait honneur à son terroir natal grâce à sa passion de la grande cuisine. Chef pendant 25 ans pour les cuisines du Palais de l’Élysée, il a été au service de quatre Présidents français et y a eu l’occasion de servir les repas pour des monarques comme Élisabeth II, qui était à elle seule un pan de l’histoire à part entière. Il est aujourd’hui Ambassadeur de la gastronomie française.

La gastronomie étant un métier de découvertes et d’ouverture au monde, le Chef a accordé une interview à l’Economic Development Board of Madagascar (EDBM), afin de partager son affection pour le terroir malgache, une de ses découvertes au cours de ses innombrables voyages.

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L’EDBM : Comment avez-vous découvert Madagascar et son terroir ?

Guillaume Gomez (G.G.) : J’ai découvert Madagascar avant tout grâce à une aventure humaine, avec la Fondation École de Félix, avec Mathias et Gauthier Ismail (OSO Farming). Et je connaissais aussi Madagascar parce que j’y avais séjourné quelques temps avec les différents Présidents que j’ai pu accompagner. Mais je ne connaissais ni les Malgaches, ni les produits de Madagascar, que l’on trouve très peu en France.

Et ensuite j’ai pu, grâce à la crevette bio de Madagascar, qui est la meilleure crevette au monde, découvrir Madagascar, les femmes, les hommes et les produits, ainsi que le Chef Lalaina (Ravelomanana) que je connais et qu’on voit sur les concours et les différentes rencontres à l’international. Et c’est vrai que vous avez la chance d’avoir et un terroir qui fait des produits d’exception. Donc il faut les valoriser, il faut les faire connaître, il faut surtout en prendre soin.

L’EDBM : Quels sont vos produits malgaches préférés et comment vous les cuisinez ?

G.G. : Quasiment 100% de produits que je travaillais à l’Élysée étaient des produits français. Après, la gambas bio de Madagascar étant la meilleure au monde, on se devait de la mettre à la table de l’Élysée. Et puis il y a le chocolat de Madagascar, la vanille de Madagascar, que l’on retrouve dans toutes les très bonnes cuisines du monde et pas qu’en France.

L’avantage de ces très beaux produits, c’est que vous pouvez laisser libre cours à votre imagination. Après, c’est en fonction de la cuisine que vous faites. Moi, ma cuisine était une cuisine qui se voulait assez classique, dans le sens où l’on est garant d’un certain système de cuisine et d’une histoire gastronomique française. Donc pour moi les crevettes, c’est plutôt en salé. Mais ça s’accommode très bien avec une sauce un peu aigre-douce. Et la vanille de Madagascar, vous pouvez la travailler de toutes les façons. Elle est omniprésente dans la gastronomie française depuis très longtemps. Et quand vous faites le tour des pâtisseries françaises ou des restaurants français, vous avez forcément de la vanille de Madagascar.

L’EDBM : Peut-on dire que la vanille de Madagascar est la meilleure ?

G.G. : Si c’est la meilleure ? Ça se discute ! (rires) Mais en tout cas, c’est la plus présente car il y a un très bon rapport qualité-prix et elle fait partie des meilleures. Le message qu’on peut donner, c’est qu’il faut faire attention au patrimoine que vous avez. Vous avez une vanille d’exception, à vous d’en prendre soin, à vous de la faire connaître et à vous de l’exporter comme il faut.

L’EDBM : L’Institut d’Excellence Culinaire Guillaume Gomez (avec la Fondation École de Félix), votre plus grande fierté ?

G.G. : On a monté avec la Fondation École de Félix deux instituts. C’est très récent parce que ça a seulement trois ans. On a aujourd’hui deux promotions de jeunes qui sont sorties. Une promotion de l’Ankarana, et une à Akamasoa dans le village du Père Pedro. On a des jeunes, qui avec un an de formation sont extrêmement performants. Donc bien évidemment on croit en cette jeunesse. Et c’est le message que je leur délivre : vous avez fait le choix d’une formation aux arts culinaires, et l’institut s’appelle Institut d’excellence, parce que le travail mène à l’excellence. Et une fois qu’ils ont suivi cette formation, ce sont de bons cuisiniers.

Ma fierté ce sont les jeunes, notamment dans le village d’Akamasoa, qui vivaient dans la décharge — certains y sont nés — et qui quelques années plus tard, grâce à l’enseignement qu’ils ont pu suivre avec le Père Pedro, démarrent une formation culinaire. Aujourd’hui ils ont un métier, un diplôme et donc un avenir. Donc c’est une belle fierté pour nous je pense, pour toutes celles et ceux qui s’investissent auprès des enfants de Madagascar.

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L’EDBM : Quel serait votre message pour les jeunes Malgaches qui voudraient suivre votre voie ?

G.G. :  Déjà, leur dire que le travail c’est toujours la meilleure des portes de sortie, et plutôt que l’oisiveté, se mettre au boulot c’est quelque chose de bien. Et dans la profession de cuisinier, il y a du travail partout, que ce soit ici à Madagascar ou dans la zone à côté à la Réunion, ou à l’île Maurice, ou dans le monde entier. Donc c’est vraiment une chance d’apprendre un métier. Moi bien-sûr je préconise celui des arts culinaires. Mais il y a plein de métiers et à partir du moment où ils apprennent, ils vivront de leur travail. Une perspective d’avenir aujourd’hui, c’est essentiel et le travail mène à ça.

L’EDBM : Que ressentez-vous aujourd’hui quand on vous parle de Madagascar ?

G.G. : Moi vous savez quand on me parle de Madagascar, j’ai tout de suite des images qui m’arrivent : le sourire des enfants que je rencontre ici, dans les Tsingy de l’Ankarana où nous allons avec l’École de Félix. Et le sourire des gens est ce que l’on apporte avec la Fondation et l’organisation du Père Pedro, à tous ces enfants et toutes ces familles, donc c’est forcément de la joie et des sourires. Et dès qu’on me parle de Madagascar, j’ai forcément le sourire des Malgaches qui arrive et forcément, j’ai le sourire !

L’EDBM : L’on pourrait donc dire que vous êtes tombé amoureux de Madagascar ?

G.G. : Ah oui j’en suis là ! Parce que je reviens maintenant dès que je peux, j’y fait différents séjours avec les deux instituts que j’ai pu ouvrir en collaboration avec la Fondation École de Félix. Alors oui, moi j’invite toutes celles et ceux qui le peuvent, à venir découvrir Madagascar. Et c’est sûr, ils tomberont amoureux de Madagascar, des gens, du climat, du pays, des produits,… c’est une belle aventure !

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© EDBM/Source : Trademap

 

L’ylang ylang de Madagascar au cœur de fragrances iconiques

Les « années folles » — période marquante de l’histoire de la mode, où glamour, élégance et émancipation se mêlaient — ont vu naître une légende : « Chanel N°5 ». Bousculant tous les codes de l’époque en portant l’ylang ylang (Cannanga odorata) en note de cœur, le parfum de Gabrielle Chanel (alias Coco) est devenu la référence frôlant le mythe, dans le monde de la haute parfumerie. Aujourd’hui, l’hypnotique fleur, dont Madagascar est une des terres de prédilection, est aux cœurs de « J’adore In joy » de Dior, de « Murmure » de Van Cleef & Arpels, de « Samsara » de Guerlain, d’« Organza » de Givenchy, … Tous des incontournables ! 

Remontant à l’époque des grandes dynasties et monarques, l’histoire de la parfumerie est mêlée de légendes et de voyages aux quatre coins du monde. Auparavant uniquement réservé à la cour et à la bourgeoisie, se parfumer ou avoir sa propre fragrance est devenu un art d’exprimer son identité, au même rang que la mode, l’art de la bienséance ou tout simplement le charisme naturel. 

Pour dénicher les essences les plus rares, les plus grands parfumeurs partent parfois à des milliers de kilomètres de chez eux pour trouver l’inspiration. En véritable invitation au voyage, l’essence d’ylang ylang, ou la « fleur des fleurs » (traduit de l’indonésien), fait partie de ces essences complexes, luxueuses et hors de prix, très recherchées par les grandes maisons. 

Le succès intemporel du Chanel N°5 est en partie bâti sur cette fleur tropicale, dont Madagascar est en passe de devenir le premier producteur mondial. Avec la hausse des demandes, l’île est en effet passée en quelques années d’une production d’environ 25 tonnes, à plus de 60 tonnes d’huile essentielle d’ylang ylang, pour une valeur de près 8 millions USD par an (statistiques records de 2017). En vue de cette performance, Madagascar détient 25% du marché mondial de l’ylang, qui part surtout pour l’Europe et les États-Unis. Un marché de niche se développe également vers l’Extrême-Orient, notamment au Japon. Question traçabilité, la Grande-île est sur la bonne voie pour la première place mondiale en tant que producteur d’ylang ylang certifié biologique.

Grâce à l’ylang, Chanel N°5 aurait eu tellement de succès que Coco Chanel a créé, non sans réussite, un autre parfum à dominance d’ylang : « Bois des îles ». Tout a commencé par une histoire où la femme n’a jamais autant affirmé son identité, à une époque où régnaient mœurs conservatrices et bienséance surcodée. Mais en parallèle, l’art et la mode, n’allant plus l’un sans l’autre, étaient au summum de leur apogée, un mérite et un exploit propres aux années folles.

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En tant que parfum mythique, Chanel n°5 est le premier parfum au monde à avoir une place dans un musée : le musée d’Art moderne de New-York, en 1959.

La naissance d’une légende : « un parfum de femme à odeur de femme »

Coco Chanel était le paroxysme personnifié de la révolution et de l’audace des années 20, d’abord car elle était la première à avoir osé allier la haute couture et la parfumerie. Ensuite, pour une première, elle a voulu pousser les codes encore plus loin en demandant une fragrance inimitable, complexe et composée de A à Z, à l’instar des robes qu’elle créait. Elle souhaitait, selon ses propres mots : « un parfum de femme à odeur de femme », et moderniser cette dernière au point de la hisser au rang de muse. 

Pour créer son parfum, elle a alors fait appel à Ernest Henri Beaux, parfumeur à la cour des tsars et créateur du célèbre « Bouquet de Napoléon ». L’idée était de faire appel au génie du créateur, pour composer quelque chose d’assez abstrait et de mystérieux tel un tableau de peintre ; chose peu commune aux parfums de l’époque facilement identifiables, et qui tournaient surtout autour du jasmin et du muguet. Pour être à la hauteur du perfectionnisme de Mademoiselle, Beaux est allé rechercher l’inspiration aux quatre coins du monde, et a en partie misé sur les notes puissantes et épicées de l’ylang, pour faire voyager les sens. Son parfum contenait notamment au moins 10% d’essence de la fleur.

En véritable parfum coup de fouet, le N°5 de Chanel a apporté un souffle de liberté sans précédent, pour toutes les femmes de l’époque. Mademoiselle Chanel elle-même l’avait testé en première, et aurait fait tourner les têtes partout où elle passait. L’expression du féminin absolu : en le portant, une femme se sent tout de suite dotée d’un certain pouvoir de séduction, avec une touche de danger et un côté insaisissable. Bousculant les codes jusqu’au bout, elle avait choisi un contenant simple et épuré au maximum — a contrario de ceux de l’époque — avec un bouchon taillé tel un diamant, une ultime touche d’élégance. 

Fait marquant de l’histoire, le succès déjà retentissant du Chanel N°5 aurait décuplé grâce à Marilyn Monroe, un autre symbole intemporel de la féminité. Au sommet de sa gloire, la star avait en effet répondu à la question d’un journaliste (du magazine Marie Claire), portant sur ce qu’elle portait pour dormir. La réplique fut inoubliable : « Juste quelques gouttes de Chanel N°5 … ». Les ventes du parfum ont par la suite décollé de façon spectaculaire. Aujourd’hui encore, il reste le parfum le plus vendu au monde avec un record d’un flacon écoulé toutes les deux à cinq secondes !

 

 

Succès perpétué grâce à sa longue liste d’égéries de marque : de Mademoiselle elle-même à Catherine Deneuve, Vanessa Paradis, Nicole Kidman, Audrey Tautou, Kristen Stewart, Lily-Rose Depp, … le parfum est monté au rang d’objet culte et a même sa place dans le musée d’Art moderne de New York dès 1959. Pour la première fois, une célébrité  masculine (Brad Pitt) a même accepté d’être l’ambassadeur d’un parfum féminin. A l’heure actuelle, l’empire Chanel (parfums, cosmétiques, prêt-à-porter, …) pèserait près de 10 milliards USD, dont les 43,7 millions USD sont uniquement générés par Chanel N°5.

Une fragrance propre au terroir malgache

Le N°5 de Chanel a apporté un souffle précurseur sur plusieurs décennies, à l’économie de l’ylang dans les îles de l’océan Indien, dont Madagascar. Grâce à la tendance majeure apportée par Chanel, la parfumerie a aujourd’hui atteint une valeur 48 milliards USD au niveau mondial (2021), dont les 20% sont générées par la parfumerie fine. Les experts estiment que ce chiffre passera à 52 milliards USD d’ici 2025, et Givaudan, le leader mondial du marché et implanté à Madagascar, y contribue pour une valeur d’environ 5 milliards USD.

Les essences composant la parfumerie fine sont considérées comme des pièces de joaillerie,  telles qu’elles sont devenues vitales pour ces industries de luxe. Pour la maison Chanel, elles sont si précieuses qu’elles sont scellées à double tour dans une chambre secrète au sein de leur laboratoire. On y trouve notamment de grandes matières premières florales dont l’ylang, une véritable aubaine pour Madagascar. « On les stocke ici du fait de leur rareté, car ce sont des produits de récoltes annuelles et du fait qu’elles sont souvent très onéreuses », expliquait dans un documentaire sur Chanel N°5, un responsable de laboratoire de la prestigieuse marque. «  Ce sont nos pépites, nos petits diamants, notre écrin … » disait-il. 

Outre le parfum icône, de grandes maisons comme Dior apprécient particulièrement l’ylang de Madagascar. François Demachy en personne, son parfumeur et créateur exclusif, fait des milliers de kilomètres depuis la France pour apprécier à sa source la fameuse fleur. Cette dernière est notamment appréciée de la parfumerie fine parce qu’elle fait partie des rares fleurs avec lesquelles l’on peut extraire des essences. D’après l’expert, elle serait si peu colorée en comparaison des autres fleurs, qu’elle aurait besoin d’exhaler des fragrances pour se faire remarquer par les pollinisateurs. Dans la parfumerie,  la fleur serait synonyme de soleil, de chaleur et de luminosité. « On utilise cet inconscient pour évoquer un côté solaire, un côté joyeux dans un parfum », disait-il.

Bien que d’origine indonésienne, l’arbuste se serait si bien adapté au sol malgache que l’île possède aujourd’hui des essences d’ylang uniques au monde. Ce qui les distingue entre autres, ce sont les concentrations de certaines molécules spécifiques. Plus légères que celles extraites aux Comores par exemple, les essences d’ylang de Madagascar ont un profil chimique complètement différent, que Dior apprécie et met au cœur d’un de ses parfums phares, « J’adore In Joy ». Cette dernière est une déclinaison de « J’adore », le premier et le seul parfum au monde, à avoir détrôné une fois Chanel n°5 en vente en 2010 (avec un chiffre de 43,8 millions USD).

« J’adore In Joy », avec pour égérie Charlize Theron, porte l’ylang ylang de Madagascar en ingrédient phare.

« L’hypothèse la plus soutenue est qu’il y a un effet terroir qui joue, et aussi des techniques de distillation », estime Lisa Generali, responsable commerciale en France pour les huiles essentielles de Jacarandas, une entreprise malgache œuvrant dans les huiles essentielles bio et les épices. « Nous, on le fait par entraînement à la vapeur », précise-t-elle. 

Les conditions pédoclimatiques du sol malgache sont en effet idéales pour une grande diversité végétale, et intéressent beaucoup d’investisseurs dans l’agribusiness. « Madagascar est une île où la richesse endémique, la richesse du sol et la richesse du climat permettent d’avoir une variété de production très importante, car du Nord au Sud les climats sont différents, et sur les hauts plateaux c’est encore le cas », indique Matthieu Richard, manager projet à Jacarandas.

Inverser la tendance grâce au développement durable

Le marché mondial de l’ylang est principalement alimenté par Madagascar et les Comores. Si ces dernières avaient quasiment le monopole du marché pendant des décennies, la tendance serait aujourd’hui sur le point de s’inverser. Deux principaux phénomènes seraient à l’origine de cette inversion, le premier étant les grandes avancées de la Grande-Île en termes de développement durable. En vue de l’urgence climatique mondiale et la tendance de consommation actuelle, le marché est en effet de plus en plus demandeur de produits certifiés biologiques, et équitables. Se conformant aux demandes de ce marché, Madagascar s’est vu adopter la loi n°2020-003 sur l’agriculture biologique, afin d’en réglementer l’exportation et les cahiers des charges des produits, conformément à la protection de l’environnement et des questions éthiques. 

Pour le cas de Jacarandas par exemple, des efforts sont concentrés dans le but de réduire la consommation énergétique des alambics, grâce à des innovations technologiques. Ces innovations leur ont notamment permis de réduire considérablement leur consommation de bois. D’un autre côté, ils compensent également leur émission de carbone par des projets de reboisement, et des systèmes de plantations respectueux des écosystèmes. Dans ce sens, les essences d’ylang produites par l’entreprise sont entièrement certifiées biologiques.

Un autre point qui intéresse les grands parfumeurs : les méthodes de production éthiques et traçables. «  De l’ylang on en trouve partout dans l’océan Indien. Mais la raison pour laquelle la qualité de Nosy be m’intéresse c’est que c’est une qualité qui est complètement traçable. C’est important pour nous parce que non seulement c’est une question d’éthique, mais aussi, ça nous permet d’année en année d’avoir les mêmes qualités », confirme Demachy.

Jacarandas est fier des bons rapports avec les paysans avec lesquels il contracte, dans un respect mutuel des engagements pris dans le cadre d’une agriculture contractuelle. Cela permettrait d’obtenir des normes de qualité constantes, tout en assurant des revenus stables aux paysans. En plus d’une plantation d’ylang de 50 ha, l’entreprise travaille avec cinq associations paysannes pour l’ylang, et exporte près de deux tonnes d’huiles essentielles par an (par la distillation de près de 90 tonnes de fleurs). L’ensemble des producteurs est suivi et formé pour respecter un cahier des charges très strict, un gage de qualité auprès du client final.

Le deuxième facteur qui a conduit à la montée en flèche de Madagascar en termes de ventes, c’est une fluctuation du marché pendant la crise liée à la Covid-19. Contrairement à d’autres pays fournisseurs d’ylang, le pays se serait adapté à la baisse des prix, conduisant à un apport clientèle considérable. « 50% du marché capté par les Comores s’est déplacé vers Madagascar », affirme Matthieu Richard.

Une terre de prédilection pour l’agribusiness

En plus des facteurs pédoclimatiques susmentionnés, d’autres points clés attirent les investisseurs en agribusiness à Madagascar. Il serait notamment plus important autant pour cette catégorie d’entrepreneurs, que pour les clients finaux, de pouvoir retracer un produit depuis sa terre d’origine, puis la plantation, jusqu’à la transformation en produit fini.

Travailler sur des plantations sur place offrirait également beaucoup d’avantages, car cela permet de valoriser ce que l’on appelle des itinéraires de cultures. Il s’agit en effet d’une sorte de suivi à la source (qualité du sol, teneur en azote, humidité, …), permettant de définir et de standardiser des facteurs de développement optimaux à travers toutes les plantations.

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Les arbres d’ylang peuvent atteindre 15 m, mais sont taillés et pliés comme des bonzaïs afin de faciliter la cueillette des fleurs. ©Jacarandas.

Par ailleurs, des initiatives de reboisement permettront plus de disponibilités en termes d’énergie, pour le secteur des huiles essentielles. De plus, une plateforme a été dédiée spécifiquement pour ce secteur à Nosy be depuis quelques années, par le projet de Pôle Intégré de Croissance (PIC). Elle permet de réunir tous les acteurs de la filière pour discuter par exemple de solutions plus durables sur la consommation énergétique dans la filière ylang. 

« L’ylang doit parachever sa transition écologique pour être durable dans le temps. Aujourd’hui, oui c’est un succès, mais si on veut que ce soit un succès durable, il y a encore beaucoup de travail à faire. C’est l’enjeu de la filière », conclut Matthieu Richard.

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© EDBM/Source: Trademap

 

Le portrait de : Oméga, artisane de Made For A Woman

Du haut de ses 29 ans, Oméga Fidisoa Randrinantenaina (dite Oméga) s’avança d’un air déterminé dans le gigantesque atelier de Made For A Woman, au milieu de ses 300 consœurs. Avec ce regard pétillant d’intelligence qu’elle seule avait le don, elle annonce la couleur en sortant une réplique assez inhabituelle pour une jeune femme de son âge : « ce n’est pas un rêve, mais un objectif », dit-elle en parlant de ce qu’elle voudrait faire plus tard.

Malgré l’amour inconditionnel de ses parents, Oméga a eu une enfance difficile. Faute de moyens, elle a dû arrêter — comme son frère aîné — l’école au collège, à l’instar de beaucoup d’autres filles de son école. Pour aider à subvenir aux besoins de la famille, sa mère l’initia alors au crochet à ses 16 ans. A elles deux, elles arrivaient à prendre assez de linge à coudre ou à crocheter à la maison, et à combler les fins de mois difficiles de toute la famille.

A Madagascar, une grande majorité de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, et de nombreux parents se voient obligés d’introduire leurs enfants très jeunes, dans la vie active. « Avant je gardais de la rancœur envers mes parents, mais en grandissant j’ai fini par les comprendre », racontait Oméga. « J’ai compris à quel point la vie pouvait être parfois difficile. »

« De toute façon l’école ce n’était pas pour moi », se résigna-t-elle avec humour. Oméga était de celles, qui à l’instar d’Einstein, la réussite scolaire ne pouvait cerner toute l’étendue de l’intelligence. Probablement inconsciemment, sa condition lui a forgé une incroyable capacité à s’adapter et lui a permis de réussir là où peu l’aurait fait. En grandissant, la jeune fille devenue femme a acquis une indépendance rare à son âge.

Choisie par Made For A Woman

En 2018, Oméga entendit parler de Made For A Woman, des amies crocheteuses de sa mère, et tenta sa chance, car lassée des petits boulots qui lui permettaient à peine de joindre les deux bouts. En tant qu’entreprise sociale, la marque auditionne ses artisanes non seulement selon leur talent et leur motivation, mais également selon leur situation. Eileen Akbaraly elle-même (la fondatrice) fait visite aux femmes à leurs domiciles pour se faire une idée de leur quotidien difficile, et évaluer leurs besoins.

Comme Oméga, les femmes recueillies par Made For A Woman ont pour la plupart un passé difficile, parfois même violent. Sans éducation et marginalisées par la société, elles ont beaucoup plus de difficulté à trouver des emplois, ces derniers exigeant au minimum un baccalauréat.

En découvrant Oméga, l’entreprise a trouvé sa perle rare : « Oméga, c’est la plus intelligente ! », s’exclamait Eileen en parlant d’elle. Partant de chez elle tous les matin à sept heure pour rejoindre l’atelier, elle s’est vite démarquée par son talent et sa rigueur et fait partie des 22 heureuses élues travaillant toute l’année pour la marque. De plus, chez Made For A Woman, les artisanes sont en partie payées pour le nombre d’heures consacrées à chaque pièce. « J’aime quand il y a plus de boulot car cela veut dire qu’il y a plus d’argent à se faire », dit Oméga.

« En plus j’ai appris de nouvelles technique car avant je ne savais faire que du crochet, aujourd’hui je sais faire des tresses et des macramés ».

Changement de vie

Introduite par la marque au métier exigeant du luxe, Oméga confectionne aujourd’hui de véritables pièces d’œuvre d’art, dont la jet set méditerranéenne raffole. Perfectionniste et avisée, certaines pièces lui prennent parfois cinq jours à confectionner. Motivée comme nulle autre, il lui arrive même de ramener du travail chez elle et de veiller jusqu’à 22 heure du soir ! « Je le fais car je veux mériter la confiance que l’on m’accorde ».;;

Son travail acharné lui a complètement changé la vie. En moins de cinq ans passés chez Made For A Woman, Oméga a récolté les fruits de son dur labeur et a pu accumuler assez d’épargne et acheter un terrain en dehors de la ville. Pour son âge, il s’agit d’un exploit incroyable pour une jeune femme à Madagascar.

S’il y a peu de temps, sa mère avait du remord pour l’avoir fait travailler trop tôt, Oméga est aujourd’hui sa plus grande fierté. La petite fille qui un jour rêvait d’entrer dans la police nationale, a été promue en un temps record au rang de superviseure chez Made For A Woman, mais continue toujours à ramener des sacs à main à confectionner chez elle. « Encore un an à attendre et j’aurais ma propre maison … »

« Si j’ai un message à donner aux autres jeunes de mon âge, je leur dirais que le travail n’est pas un jeu… »

Made For A Woman : mode et luxe éthique et durable

Au même titre que les plus grandes marques de luxe, les créations de Made For A Woman ont récemment été mises à l’honneur durant la dernière « fashion week » de Milan, une grande première pour des articles 100% Made in Madagascar. Il s’agit d’une consécration de plus après le trophée « Best commitment » lors du 74e festival de Cannes, grâce à son documentaire « The Raphia journey ».

Par amour de la mode et de Madagascar, l’île où elle a grandi, Eileen Akbaraly a créé en 2019, Made For A Woman : une marque malgache d’accessoires de luxe en raphia et entièrement faits main. L’une des pièces présentées à la fashion week de Milan est une robe en raphia, rehaussée de soie italienne et de plus de 1000 pierres précieuses, pour un résultat spectaculaire. Elle a nécessité sept semaines de travail par près de 60 artisanes malgaches.

Design-és en Italie, les accessoires en showroom nécessitent plus de trois semaines pour les plus complexes. « Je veux que le monde connaisse la valeur de l’art manuel malgache, parce que c’est très rare de trouver cela ailleurs », explique Eileen.

En tant qu’entreprise sociale, la marque s’est engagée à donner leur chance à des femmes marginalisées par la société, en leur permettant de s’autonomiser dans un environnement équitable et épanouissant. En plus d’être payées à 81% au-dessus du salaire minimum malgache, chacune de ces femmes bénéficie de nombreux avantages tels que des formations en langue, des suivis médicaux, des majorations par production, …

Aujourd’hui, les consommateurs sont plus soucieux de l’origine de ce qu’ils achètent, et cherchent autant l’authenticité que le respect de l’environnement. Chaque création de Made For A Woman est estampillée des portraits de celles qui l’ont confectionnées (avec un code QR à scanner), pour réveiller une émotion chez les consommatrices à travers les histoires de ses courageuses artisanes. « Aujourd’hui les gens veulent acheter pour aider. Et le storytelling plaît beaucoup ». De plus, les produits sont pensés depuis la moindre fibre jusqu’à l’emballage et l’expédition. Le raphia, d’une qualité propre à Madagascar, est produit de façon équitable, le pigment est certifié « AZO free », et l’emballage est fait de papier « Antaimoro » en toute authenticité.

Totalement transparente dans le prix de ses articles, la marque assure à la fois les salaires de ses artisanes, l’achat de raphia éthique jusqu’à quatre fois le prix sur le marché, achète du matériel métallique en Italie pour assurer une durabilité, … Made For A Woman produit également uniquement sur commande dans une optique de « slow fashion », et paie des frais supplémentaires aux compagnies de navigation afin de compenser son empreinte carbone. Le reste des bénéfices est dédié à la communication et au marketing, aux frais de l’atelier (eau, électricité, cantine, etc.).

raphia-portrait omega made for a woman

© EDBM/Source : Trademap