Consommer responsable est aujourd’hui placé au centre de toutes les préoccupations au niveau mondial. Les plus grandes marques de textile haut de gamme comme Nike, Balenciaga, Gucci, Prada … sont alors de plus en plus engagées dans une économie durable à travers leurs conceptions. En constante croissance, le textile durable s’avère être un marché avec un potentiel de plusieurs milliards de dollars. S’alignant sur cette tendance, les industries textiles et créateurs malgaches commencent à s’affirmer vers des démarches plus éthiques. 

Le textile d’aujourd’hui et de demain prône le “slow fashion”, un volet du luxe qui favorise la qualité, la rareté du produit et parfois un savoir-faire traditionnel ou typique d’un pays. Ce qui limite le gaspillage de matières premières, d’énergie, d’eau… , au bénéfice du recyclage, de la valorisation des déchets et/ou de matériaux biodégradables. L’intégration d’une économie plus circulaire permettra de résoudre le problème de l’épuisement des ressources. 

L’art de vanner le raphia est un savoir-faire typiquement malgache très apprécié dans le monde.

La stratégie verte permettra également de créer de nouvelles opportunités de croissance commerciale et des économies plus compétitives.La valorisation green, éthique et équitable, permet non seulement une économie en chiffres mais, aussi une stratégie de marketing client pour établir une confiance au label.” explique David Roger, CEO de Buy Your Way, un cabinet de conseil en RSE. Référence internationale dans le genre, le cabinet a coaché les plus grandes entreprises malgaches pour les perfectionner dans leurs démarches RSE.

La dernière génération de créateurs et d’entrepreneurs montre une grande ferveur envers leurs responsabilités socio-environnementales. Et ne perdant rien de sa noblesse, la haute couture est d’autant plus admirée par sa clientèle à travers des démarches éthiques et des matériaux durables. Cette clientèle haut de gamme, composée en grande partie de célébrités, use de son influence pour promouvoir des modes de consommation responsables. “ Ces dix dernières années, il y a eu une prise de conscience généralisée pour des démarches plus respectueuses de l’environnement.” affirme David Roger.

Le textile d’aujourd’hui prône le “slow fashion”.

La valorisation green, un label qui fait vendre

Les marques de luxe les plus populaires se montrent de plus en plus engagées envers l’environnement. Elles jouissent de ce fait de l’influence d’ambassadeurs hauts de gamme aussi engagés qu’elles. Pour le Met Gala en 2016, Emma Watson portait une robe conçue par Calvin Klein, à partir de bouteilles en plastique recyclées 100% biodégradables, en collaboration avec le Green Carpet Challenge de Livia Firth. Fervente onusienne, la jeune femme use de sa notoriété pour toucher de grandes causes à l’échelle planétaire.

Pharrell Williams a collaboré avec G-Star dans « Raw for the oceans » pour concevoir une collection de denim avec le plastique des océans. Directeur artistique de Bionic Yarn, l’artiste promeut un mode de consommation de la mode du denim responsable, tout en jouant sur un univers très créatif. Il a aujourd’hui une grande emprise sur un marché de 56.178,1 millions USD. Prada met aussi les océans au cœur de ses préoccupations en pilotant le projet “Sea Beyond” aux côtés de l’UNESCO. Gagnant en popularité, la marque a vu ses ventes en ligne grimper de 200% en 2020.

Vivienne by Westwood a conçu une robe pour Lily Cole, pour les Oscars en 2016 en utilisant du tissu en bouteilles plastiques recyclées. Le projet Made in Africa créé par Westwood en collaboration avec l’Ethical Fashion Initiative du Centre du Commerce International, une agence conjointe établie par les Nations Unies et la Banque mondiale, a été en effet un énorme succès. Avec 36 millions de bouteilles plastiques recyclées en cinq ans, le projet a employé 1.500 artisans au Kenya. Ces derniers ont reçu des salaires supérieurs à la moyenne locale. 

© Made For A Woman

Le monde est plus soucieux de la provenance de ce qu’il consomme.

Gucci, le top premier des marques de luxe les plus populaires cette année selon Forbes, a lui aussi lancé des chaussures en Apinat, un bioplastique 100% biodégradable. L’indétrônable marque coup de cœur a habillé Billie Eilish et Harry Styles aux Grammy Awards. 

Par ailleurs, depuis 2010, plus de 3 milliards de bouteilles en plastique ont été détournées des décharges pour fabriquer des produits Nike, le top 1 des ventes de textile dans le monde. Numéro 2 en popularité du classement de Forbes pour cette année, l’entreprise a enregistré une hausse de 59% de ses ventes en ligne malgré la crise. 

La dernière génération de créateurs haute couture les plus en vue rivalisent également d’ingéniosité pour un monde de la mode plus durable. Viktor & Rolf, Iris Van Herpen, Ronald van der Kemp, Xuan-Thu Nguyen… sont parmi ces grands noms qui véhiculent leur vision écologique et responsable, à travers leurs collections artistiques et avant-gardistes. Chutes de laines et de denims, sequins récupérés, etc. sont utilisés pour de véritables œuvres d’art.

Du point de vue du design, il y a de plus en plus d’opportunités de raconter une histoire à travers les vêtements. Les designers sont souvent inspirés par la nature et l’intégration d’un design durable. Ce qui donne un sens supplémentaire à la fois au créateur et au porteur, plutôt que dans une vision purement esthétique.

Les entreprises malgaches surfent sur la tendance

Akanjo Madagascar, une industrie connue pour ses décennies de relations de confiance avec les plus grandes maisons de luxe, travaille sur la collection printemps 2022 de Gabriela Hearst, de la maison Chloé. Afin de maximiser ses impacts écologiques et sociaux, la marque utilise de la soie biologique, du cachemire recyclé et des matières mortes, dans 55% des prêts-à- porter de sa collection. La seule industrie textile malgache certifiée ISO 26000 avec trois étoiles, Akanjo Madagascar est membre de l’Organisation mondiale du commerce équitable (WFTO). Et 15% de la nouvelle collection de Chloé  est confectionnée par l’enseigne et Manos del Uruguay.

Pok Pok, une marque de luxe malgache de sacs à main à base de raphia, se démarque par sa démarche respectueuse de l’environnement. La jeune entreprise veut prôner l’authenticité du savoir-faire malgache au bénéfice de sa biodiversité unique. “Nous sommes conscients qu’un changement fondamental et profond est nécessaire pour préserver notre incroyable écosystème.” déclare Fitia Randriamifidimanana Rasolofoniaina, Cofondatrice de Pok Pok. “Nous avons à cœur d’être acteurs de ce changement, à travers nos engagements au quotidien,” ajoute-t-elle.

Pok Pok adopte le “conscious fashion” dans son quotidien.

Pour confectionner ses accessoires en raphia, la marque utilise des teintures aux normes Oeko Tex. Cette dernière est en effet un label comprenant plusieurs normes techniques, visant à certifier les qualités sanitaires et écologiques des textiles et cuirs. Elle garantit ainsi l’absence de produits toxiques pour le corps et pour l’environnement. Exportant 60% de leurs produits, Pok Pok Madagascar cible une clientèle responsable. Cette dernière est très sensible à la provenance de ce qu’elle consomme. Les adeptes de la mode appellent cela “conscious fashion”.

Made For A Woman d’Eileen Akbaraly, met également en valeur le côté authentique des arts traditionnels de la vannerie à Madagascar. Socialement et environnementalement très engagée, la marque a emmené cette année ses accessoires de luxe avant-gardistes en raphia au festival de Cannes. Elle y a reçu le prestigieux “Best Commitment” du “Better World Fund”. La Grande-Île fait en effet son renom dans la production de raphia, où elle assure 80% de l’approvisionnement mondial. Espèce endémique et très répandue dans l’île, cette fibre exotique et naturelle séduit les amateurs de modes à l’internationale et est très demandée sur la “fashion market”.

Made For A Woman valorise le savoir-faire des femmes malgaches et contribue à leur autonomisation durable.

Par ailleurs, de grandes industries comme Ultramaille et Epsilon sont particulièrement sensibles à la protection de l’environnement. Depuis la production jusqu’aux traitements et recyclage des eaux usées, ces enseignes figurent parmi les plus avancées à Madagascar en matière de RSE selon  Buy Your Way. Privilégiant les fibres naturelles, ils visent à réduire au maximum leurs émissions de CO2. 

Quelles opportunités à Madagascar ?

Une initiative de l’Union Européenne appelée Plan d’action européen pour l’habillement a été lancée pour améliorer la durabilité des textiles tout au long de leur cycle de vie. Les déchets textiles qui finissent dans les décharges sont ainsi devenus une préoccupation majeure à l’échelle mondiale. Jusqu’à 95% des textiles mis en décharges chaque année dans le monde pourraient être recyclés.

Madagascar possède de grandes opportunités dans cette optique. Il a été démontré plus haut que le plastique peut être recyclé et utilisé dans le textile. Et d’après une étude de la Commission de l’Océan Indien (COI), la Grande-île a un gisement disponible de 32.996 tonnes de plastique par an. Ce qui représente 10% des déchets ménagers collectés en un an. Et une des plus grandes industries locales de la boisson peut produire dans les 800 tonnes de déchets PET par an.

Pour valoriser ces rejets, des initiatives comme celle de Vitogaz Madagascar peut transformer le plastique en tissu. La société a invité des designers français de The Polyfloss Factory, à démontrer le concept de leur machine Polyfloss. Ce procédé de recyclage de plastique s’inspire de la machine à barbe-à-papa et permet d’obtenir une laine flexible. Cette laine peut être réutilisée pour des isolants thermiques, des emballages, des objets design… Elle peut également servir aux créations textiles et artisanales.

Les rejets de tissus peuvent également être recyclés. Le Relais, leader en France dans la collecte, le tri et la valorisation des textiles, linges de maison et chaussures  (TLC) est présent à Madagascar. Grâce à ce volet, l’association a créé plus de 350 emplois en Afrique et à Madagascar. Elle trie, recycle et exporte ensuite entre 2.000 et 3.500 tonnes de TLC par an. Et seulement 15% du textile collecté finit en déchets finaux. 

Par ailleurs, Bruno Pieters, fondateur de la société transparente et durable Honest By a eu l’idée d’utiliser les imprimantes 3D dans l’industrie de la mode à l’avenir. Technologie déjà existante à Madagascar, les filaments utilisés dans le processus d’impression 3D pourraient concevoir des accessoires de mode. On peut même introduire des matériaux biodégradables ou recyclés. Certaines imprimantes pourront transformer les déchets ménagers en filaments. 

Et en dehors de la valorisation des déchets, les filières bio à Madagascar sont en pleine expansion. Ce qui met en avant les fibres textiles naturelles et éthiques, très appréciées au niveau mondial.

Sources et bibliographies