À Madagascar, l’industrie pharmaceutique demande à être développée. Le pays dispose du potentiel pour faire émerger le secteur par l’existence d’une biodiversité riche en plantes médicinales, un environnement économique favorable avec la mise en place de futures Zones d’émergence industrielles, et l’accès aux marchés régionaux africains (COMESA, SADC, COI, ZLEC) qui offrent un accès préférentiel à plus de 900 millions de consommateurs.

Entre 2003 et 2013, le secteur connaît une croissance exponentielle en Afrique en atteignant 20,8 milliards USD. Et bien que seulement 3% de la production mondiale de médicaments provient du continent africain, le marché atteindra une valeur de 40 à 65 milliards USD au cours de cette année (2020), selon McKinsey & Company.

Madagascar peut tirer son épingle du jeu dans la mesure où une disparité existe au sein du marché africain. En effet, l’Afrique du Sud et le Maroc, les deux plus grands fabricants de médicaments en Afrique, sont à 80% auto-suffisants en besoins pharmaceutiques, tandis que le reste des pays africains importe de l’étranger à 99%. Ce déficit commercial est considérable à Madagascar puisque le volume d’importation en 2019 est de 146.414 millions USD, avec une balance commerciale de -146.200 millions USD. Les pays d’où la Grande-île importe le plus sont l’Inde et la Chine, pour des valeurs respectives de 33.154 million USD (22,6%) et de 27.948 millions USD (19,1%). Vers les années 1985, il n’existait que trois industries pharmaceutiques à Madagascar : OFAFA, RATHERA et FARMAD.

Plus tard, des laboratoires élaborant des produits à base de plantes ont émergé et ont été reconnus d’utilité publique telle que l’Institut Malgache de Recherches Appliquées (IMRA). Par ailleurs, une trentaine dechaînes de distributions, s’occupant de la promotion des médicaments et de leur fourniture jusqu’aux consommateurs ont fait surface dans la capitale et en provinces. Le Directeur Général de Sopharmad s.a, un des principaux grossistes répartiteursen pharmacie, Mr Andry Rabemanantsoa précise : « Les spécialités représentent plus de 60% de notre chiffre d’affaire, les génériques de qualité 30% et la parapharmacie 10%. »En plus du cercle des “big pharma” (Sanofi, GSK…), l’enseigne travaille également avec des plateformes de spécialités qui ne sont pas promues à Madagascar. Dans ce contexte, la promotion d’une industrie pharmaceutique nationale s’avère vitale afin d’assurer l’autosuffisance de Madagascar en médicaments et de booster les exportations grâce aux opportunités offertes par le marché africain.

© Présidence de la République de Madagascar

Le Gouvernement Malagasy lance Pharmalagasy

L’Initiative pour l’Emergence de Madagascar (IEM) dont le cadre de mise en œuvre s’exprime à travers le Plan Emergence de Madagascar (PEM) placent l’industrie pharmaceutique parmi les axes principaux de l’industrialisation de la Grande Ile. Ainsi, le Président Andry Rajoelina a-t-il récemment donné le coup d’envoi pour la construction de l’usine pharmaceutique Pharmalagasy.

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Anciennement “Orinasa Fanamboarana Fanafody (OFAFA)”, Pharmalagasy, une usine ultra moderne a été équipée par l’État malgache. Le site, sis à Tanjombato (partie Sud de la Capitale Antananarivo) comprendra un bâtiment administratif, un autre de production, un hall d’exposition et une zone de stockage. En rénovant, l’ancien bâtiment de l’OFAFA, la nouvelle stratégie étatique est en effet de valoriser les structures industrielles déjà existantes et très nombreuses dans le pays. Avec une capacité de production de 15 mille gélules et 240 flacons par minute, du matériel d’une centaine de tonnes équipe l’usine. Promouvant la modernité et le high-tech, le matériel a été fabriqué en Chine et de marque allemande, un gage de qualité et de respect des normes internationales.

« Une usine de fabrication respectant les normes GMP/FDA est un besoin majeur de l’industrie pharmaceutique malgache. Cela est nécessaire pour faciliter l’exportation des produits. » tient à préciser Charles Andrianjara, Directeur Général de l’IMRA.

Pour le moment, l’usine se concentre uniquement sur la mise en forme galénique et les conditionnements du CVO+, produit découvert par l’IMRA pour traiter le COVID19. Pour les tests invivo/invitro, Pharmalagasy sera aidé du Centre National d’Application de Recherche Pharmaceutique (CNARP).

« L’usine compte respecter les normes écoresponsables en traitant tous ses déchets en collaboration avec Adonis. Pharmalagasy prévoit de recruter 80 personnes dont 1/3 sont déjà embauchées, sans oublier les normes d’éthique » indique Pierre Raoelina, le Directeur Général de Pharmalagasy.

À part le CVO+, Pharmalagasy projette de produire, d’ici 3 ans, 12 autres types de médicaments traitant des maladies chroniques et/ouendémiques comme le diabète, l’asthme, le paludisme….Valorisant les compétences des chercheurs malgaches, « Pharmalagasy se focalisera sur les médicaments à base de plantes et produira des spécialités. »précise Holijaona Rabaona, de la Direction générale des projets présidentiels. « Nous sommes dans une expérience qui doit nous conduire dans l’atténuation de la pauvreté. Pour réussir, l’exportation est impérative. » ajoute Michel Domenichini Ramiaramanana, Médiateur économique.

Valoriser la production locale

Les médicaments vendus sur le continent africain figurent parmi les plus chers au monde, à cause des frais de logistiques et autres facteurs intermédiaires. Ces dépenses peuvent représenter jusqu’à 90% du prix au consommateur, contre 2 à 24% pour les pays de l’Organisation de Coopération de Développement Économique (OCDE). L’installation d’une industrie locale réduirait considérablement le coût des produits, et satisferait les demandes de toutes les bourses. La qualité des médicaments est aussi remise en question si les chaînes de logistiques sont fragmentées. Ce problème dont souffre beaucoup de pays africains augmente gravement le taux de contrefaçon. Une production locale qui plus est, appuyée par les institutions publiques, permettra plus de traçabilité.

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Au niveau de l’administration malgache, des améliorations ont été effectuées pour valoriser la production locale. Toute demande d’ouverture d’un établissement de fabrication doit comporter un dossier prouvant que le fabricant respectera les bonnes pratiques de fabrication reconnues par le gouvernement. L’autorisation est délivrée par le Ministère chargé de la Santé après avis conjoints du Ministère chargé du Commerce, du Ministre chargé de l’Environnement et du Ministère chargé de l’Eau. Pour la distribution,en plus d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) octroyée par l’Agence du Médicaments de Madagascar (AgMed),une instruction d’un dossier et décision d’une Commission Nationale de l’Enregistrement des Médicaments sont nécessaires. « En effet, la garantie de la qualité doit être aussi bien pour les produits importés que les produits fabriqués localement. », expliquent Hanitra Ratsimbazafimahefa, Directeur de l’AgMed (DAMM) au Ministère de la Santé Publique de Madagascar et Nicole Mahavany, Directeur de la Pharmacie, des Laboratoires et de la Médecine Traditionnelle au Ministère de la Santé Publique de Madagascar.« Par contre, les redevances d’enregistrement sont nettement inférieures à celles des médicaments importés pour favoriser les sociétés nationales. » précisent-elles. Selon l’AgMed, les droits d’études de dossiers pour obtenir une AMM sont de 200€ pour un médicament étranger et de 164.000 Ariary (36€ environ) pour celui fabriqué localement.

Par ailleurs, les grossistes répartiteurs sont également des maillons de certifications incontournables, pour la sécurité des consommateurs. “J’ai travaillé plus de 13 ans dans le monde pharmaceutique en Europe et visité plus de 4 laboratoires GMP/FDA, et les améliorations à faire sont encore très nombreuses. Nous avons ainsi décidé depuis 2016, de ne pas distribuer des laboratoires, pourtant en possession d’AMM valide à Madagascar, mais ne sont pas certifiés*GMP/FDA.” déclare Andry Rabemanantsoa.

Médicaments “non chimiques” et génériques, des potentiels à exploiter

Très développé à Madagascar, notamment grâce sa grande biodiversité et son héritage en médecine traditionnelle, les médicaments alternatifs ou “non chimiques” renferment un grand potentiel d’investissement. Selon Market Reaserch Future (MRFR), le marché mondial des médicaments à base de plantes aurait une valeur de plus de 129 milliards USD d’ici 2023.

Ce poids s’accompagnerait d’une croissance moyenne de 5,8% par an. À Madagascar, cette tendance se confirme déjà par la demande en huiles essentielles toujours croissante, surtout par les États-Unis et l’Union Européenne. “L’abondance de nos ressources naturelles est un de nos atouts majeurs. “confirme Charles Andrianjara. Quant aux génériques, l’avantage d’y investir réside dans leurs coûts de production, impactantles coûts à la consommation. À la fin de son brevet de production (20 ans), le médicament peut être copié par d’autres industries pharmaceutiques. Déjà étudié et testé par son premier laboratoire de production, l’obtention d’AMM s’en trouve réduit en coût et en temps d’obtention.

Les génériques sont ainsi beaucoup moins chers à produire. Arrivé sur le marché, un générique est jusqu’à 30% moins cher que le médicament original. L’arrivée en pharmacie d’un générique pousserait d’ailleurs le laboratoire commercialisant le princeps (médicament original) à aligner ses prix sur celui du générique.Et même moins chères, ces copies respectent toutes les normes de qualité et d’efficacité de l’original. Ce qui les rendent très attractifs sur le marché africain. Il faut toutefois noter que ces reproductions doivent être des “génériques de qualité“, respectant les normes GMP/FDA.

Le processus peut être coûteux et durer jusqu’à deux ans pour la conception, pour un minimum de 95% de bioéquivalence avec la spécialité. Mais s’adaptant aux marchés en voie de développement,“seuls les génériques de qualité pourront satisfaire les besoins en médicaments respectueux du consommateur, tout en permettant l’accessibilité pour tous!”.soutien Andry Rabemanantsoa.

Les “pharmerging-s”, l’avenir de l’industrie pharmaceutique

À l’instar de gros producteurs pharmaceutiques africains, Madagascar bénéficie des opportunités de croissance des pharmerging-s. Parallèlement à la croissance démographique, la consommation des produits pharmaceutiques dans les pays émergents augmente rapidement. Des géants de l’industrie pharmaceutique comme Sanofi, profitent de plus de 33% de leurs ventes dans les pays émergents, contre 24% en Europe. La plus forte croissance de l’industrie pharmaceutique à l’horizon 2022 est ainsi attendue au sein de ces pays.

Ces croissances s’expliquent par ailleurs, par l’augmentation des dépenses en soins de santé, due aux poids des maladies chroniques et à la présence de maladies tropicales endémiques ou non. En Afrique, les soins de santé représentent en effet jusqu’à 60% du revenu individuel, selon la Banque Mondiale. De plus, l’émergence d’une nouvelle maladie comme le coronavirus stimulera encore plus les demandes. “ Le secteur a été mis en avant dernièrement parce que les besoins en médicaments sont énormes à Madagascar.” confirme, Charles Andrianjara, “ De plus, ces dix dernières années, la prévalence des maladies dangereuses et chroniques telles que le cancer, l’Hyper Tension Artérielle et le diabète augmente.” ajoute-t-il.

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Ce marché serait d’autant plus attractif aux investissements étrangers grâce aux compétences locales.Notre capacité technique est une partie de notre atout majeur dans l’industrie du médicament. À l’IMRA, 100% de nos chercheurs sont malgaches.” souligne Charles Andrianjara. Sentant cette opportunité, les laboratoires Pierre Fabre ont investi, en novembre 2018 et à travers sa fondation, dans la construction et l’équipement de la Faculté de Pharmacie, à l’Université d’Antananarivo.

Renforçant ainsi les capacités et les effectifs locaux dans le domaine, le géant pharmaceutique français contribuera à l’afflux d’autres investisseurs du secteur. Par ailleurs, Madagascar bénéficie au niveau régional d’accords de libre-échange, en étant membre de la SADC et de la COMESA.

Ce qui représente près de 900 millions de consommateurs potentiels. Au niveau international, la Grande-île a accès au marché américain à travers l’African Growth Opportunities Act (AGOA), européen grâce à l’Accord de Partenariat Économique (APE) et dans plusieurs pays qui lui ont accordé unSystème Généralisé de Préférences (SGP).

Dans le désir d’attirer les IDE, « il y aura des ajustements institutionnels selon la nature du projet d’investissement. », selon Holijaona Rabaona. Ces ajustements seront en vigueur au sein des nouvelles Zones d’Emergence Industrielle (ZEI).

La construction de Pharmalagasy constitue un premier pas vers le développement de l’industrialisation du secteur de la santé, un pilier important pour l’émergence de Madagascar…

* Good Manufacturing Practices/Food and Drug Administration Sources : Fondation Pierre Fabre Agence Ecofin Afrika tech McKinsey & Company L’Express de Madagascar Sopharmad s.a Madagascar IMRA Ministère de la Santé Publique de Madagascar TradeMAp