Phytomédicament : médecine douce, potentiel économique fort
Phytomédicament : médecine douce, potentiel économique fort
Le 20 avril 2020, le Président Andry Rajoelina a lancé officiellement le Covid-Organics au siège de l’Institut Malgache de Recherches Appliquées (IMRA). Désormais, le regard de l’Afrique et du monde se tourne vers Madagascar après la diffusion de ce Remède Traditionnel Amélioré (RTA) à base d’Artémisia et de plantes médicinales endémiques de Madagascar.
© Présidence de la République de Madagascar
D’un point de vue économique, la Grande île peut profiter de cette dynamique en encourageant les opérateurs du secteur privé malagasy à investir dans les filières des plantes médicinales dont le poids avoisine les 60 milliards USD par an au niveau mondial.
L’artémesia, un potentiel à exploiter
Depuis des lustres, les Malagasy ont utilisé le «raokandro» – usage de plantes médicinales – pour traiter des maladies. Alternative à la médecine conventionnelle, les « tambavy » ou tisanes font partie des traitements privilégiés avec une efficacité accrue lorsqu’elles sont testées et produites en laboratoire. Aujourd’hui, des plantes endémiques comme le « vahona » (aloe macroclada), le saro ou « mandravasarotra » (cinnamosma fragrans), et le « ravintsara » (Cinnamomum camphora) sont unanimement reconnues pour leurs vertus thérapeutiques: antibiotiques, anti-inflammatoires, immuno-stimulantes, cicatrisantes, etc.
© Bionexx
Mais depuis la découverte du Tambavy CVO pour lutter contre le COVID-19, l’artemisia (artemisia annua) focalise toutes les attentions. Dans un communiqué en date du 4 mai 2020, L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a reconnu que : « La médecine traditionnelle, complémentaire et alternative recèle de nombreux bienfaits. L’Afrique a d’ailleurs une longue histoire de médecine traditionnelle et de tradipraticiennes de santé qui jouent un rôle important dans les soins aux populations. Des plantes médicinales telles que l’artemisia annua sont considérées comme des traitements possibles de la COVID-19 (…) ».
Principalement connue pour son efficacité dans le traitement du paludisme, cette plante originaire de la Chine a trouvé à Madagascar sa terre de prédilection.
« La Grande Ile possède probablement, la collection de matériel végétal la plus large avec des souches d’Artemisia provenant du monde entier. Et à partir de ce potentiel, on a développé un programme de recherche et développement pour faire une amélioration variétale », confie Charles Giblain, PDG de la société Bionexx.
Cette dernière a mis au point un procédé permettant l’extraction et la purification du principe actif de l’artémisia.
Introduite à Madagascar dans les années 70, cette plante a fait l’objet de recherches approfondies par les chercheurs de l’IMRA depuis de nombreuses années. Ce sont les fruits de ces recherches combinés à l’expertise de l’Institut dans la production des phytomédicaments à base de plantes médicinales qui ont conduit à la découverte du Tambavy CVO : « Le CVO n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat de 44 ans de recherches. L’artémisia a été introduite à Madagascar en 1975 par le professeur Albert Rakoto-Ratsimamanga. Les savants sont parvenus à en isoler le principe actif. C’est en le combinant à d’autres molécules de plantes médicinales malgaches qu’ils ont obtenu ce résultat, un produit aux effets secondaires maîtrisés », avait expliqué Andrianjara Charles, Directeur général de l’IMRA, lors du lancement du Covid-organics.
© Présidence de la République de Madagascar
Au niveau mondial, l’intérêt pour l’artémisia se précise lorsque l’Institut Max Planck (18 prix Nobel), en Allemagne, a annoncé le 8 avril 2020 le lancement d’une étude cellulaire afin de tester les effets de l’Artemisia annua sur le Coronavirus. Pour ce faire, elle se fournira auprès de la compagnie américaine ArtemiLife qui possède des plantations dans le Kentucky aux USA. Cette dernière a développé des produits dérivés à base d’artémisia dont une gamme de thés (ArtemiTea) et de cafés (ArtemiCafe).
Dans la mesure où Madagascar possèderait le plus grand stock d’artémisia au monde (environ 3 000 tonnes cultivées par an), plus de 16 000 paysans impliqués dans sa production (25 à 30 ares de terrain cultivé par paysan) dans plusieurs régions (Antsirabe, Ambatofinandrahana, Fianarantsoa, Ambalavao et Toliara), elle a des atouts à faire valoir.
Nul doute qu’elle jouera un rôle majeur dans l’exploitation de cette plante incluant le développement de produits dérivés dans les années à venir. « Aujourd’hui, la société Bionexx accompagne l’Etat malgache dans la fourniture de matière première pour la fabrication du Covid-Organics. Madagascar a une opportunité d’approvisionner le continent et le monde entier », soutient Charles Giblain.
Les phytomédicaments, un marché à conquérir
La valeur des variétés végétales en provenance des pays en développement utilisés dans l’industrie pharmaceutique est estimée à 47 milliards de dollars. D’une manière globale, plus de 35 000 plantes dans le monde sont utilisées dans des industries comme la pharmacie, la phytothérapie, l’herboristerie, l’hygiène…
De grands groupes pharmaceutiques ou cosmétiques s’intéressent au formidable potentiel de Madagascar, certains y sont présents ou travaillent avec les opérateurs locaux. A titre d’exemple, le « longoza » (aframomum augustifolium) y est cultivé spécialement pour la Maison Dior. Il est l’ingrédient signature des soins « Capture Totale ». Le groupe LVMH a, quant à lui, mis en avant l’ylang-ylang, dont Madagascar produit plus de 25% de la production mondiale.
A l’heure où l’intérêt des consommateurs pour les plantes médicinales nourrit la forte croissance des marchés,
Madagascar peut tirer son épingle du jeu. En effet, d’après l’OMS, les dépenses liées aux médecines non conventionnelles dans le monde sont non seulement considérables mais en hausse rapide. Le marché mondial des médicaments à base de plantes est estimé à environ 60 milliards de $ US par an. Actuellement, 50 % des petites molécules mis sur le marché pour le traitement des cancers, et les médicaments les plus efficaces pour soigner la grippe ou le paludisme, sont encore extraits ou dérivés de plantes.
Les huiles essentielles, une filère qui pèsera 27,49 milliards d’USD d’ici 2022
A l’heure actuelle, la tendance mondiale se tourne davantage vers des produits sains et naturels. Une enquête menée par Ipsos révèle par exemple que 41% des Français utilisent des traitements naturels pour se soigner. Ce chiffre inclut les utilisateurs d’homéopathie (25%), d’aromathérapie (19%) qui sont des produits exclusivement à base d’huiles essentielles et la phytothérapie (17%) exclusivement à base de plantes. 4 utilisateurs de traitements naturels sur 10 ont augmenté leur utilisation de produits naturels au cours des deux dernières années. 75% des Français envisagent d’en utiliser à l’avenir pour se soigner ce qui prouve un bon potentiel de croissance pour ces produits3.
Dans ce contexte, Madagascar peut se positionner avec ses 8 millions ha de surface cultivable dont 2,6 millions ha viabilisés et près de 150 000 ha certifiées biologiques.
« A Madagascar, nous avons une pharmacie à ciel ouvert. Les principes actifs contenus dans les plantes médicinales peuvent aisément concourir à remplir une pharmacie », nous confie Stéphanie Rakotomalala, CEO de la startup Masoala Laboratoire. Dans la perspective de développer cette filière, 8 zones d’émergence agricole ont été identifiées du nord au sud du pays. « Le monde découvre peu à peu les plantes médicinales endémiques de Madagascar. L’huile essentielle est la plus demandée sur le marché international avec une forte demande pour le marché de du cosmétique et de l’agro-alimentaire », confie Hanta Tiana Ranaivo Rajaonarisoa, fondatrice de la société Flore Aroma. La valeur du marché des huiles essentielles représente près de 104 millions de dollars par an à Madagascar. D’ici 2030, le Groupement des Exportateurs d’Huiles Essentielles de Madagascar (GEHEM) estime que la filière contribuera à hauteur de 640 millions de dollars aux caisses de l’Etat. 24 entreprises produisent localement des huiles essentielles. Au niveau mondial, la filière pèsera près de 27,49 milliards de dollars d’ici 2022, selon les projections initiales. Ce chiffre sera assurément revu à la hausse du fait de la crise sanitaire mondiale actuelle qui dopera la croissance du secteur. La médecine douce demeure une valeur sûre.
LES MOTS DE …
« L’équipe de l’EDBM se tient prête à recevoir les dossiers des porteurs de projets dans l’agri business et en particulier dans les filières porteuses comme celle des huiles essentielles. Nous pouvons leur apporter notre appui dans la constitution de business plan, dans la recherche de partenaires financiers ou encore faciliter l’implémentation ou expansion de leur projet. »
Guillaume Rabary, Directeur des Services aux Investisseurs, EDBM
« Le potentiel naturel est énorme mais il faut savoir investir. Il y a encore peu de structures qui permettent d’exploiter au maximum la potentialité de cette pharmacie à ciel ouvert qu’est Madagascar. Le secteur est encore peu développé et représente un marché à conquérir »
Stéphanie Rakotomalala, CEO Masoala Laboratoire